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la chanson des gueux

Je me serais fait chien d’aveugle ou chien de garde.
Eh bien ! elle n’a pas voulu de moi, regarde,
      Par peur de se mésallier.

Que de fois j’ai manqué, pour l’attendre, la soupe !
Mais je n’y pensais guère, et je suivais la troupe
      De ses soupirants, l’œil en feu.
Or, un jour que pour elle à tous je tenais tête,
Elle m’a planté là pour un lévrier bête
      Qui portait un paletot bleu. —

Et tu me faisais part ainsi de tes détresses.
Nous mêlions tous les deux les noms de nos maîtresses,
      Vantant leur charmes, leur baiser.
Et nous allions. La rue était pour nous fleurie
De conversation chère, de flânerie.
      Nous passions le jour à causer.

Où donc es-tu, mon doux ami, mon bon caniche ?
Pourquoi n’as-tu pas pris la pâtée et la niche
      Que je t’offrais pour être mien ?
Franchement, nous étions si bien faits l’un pour l’autre !
Quelle amitié jamais aura valu la nôtre ?
      Où donc es-tu, mon pauvre chien ?

Où donc es-tu ? Voilà plus d’un an que je traîne
Dans tout Paris, errant ainsi qu’une âme en peine,
      Te cherchant sans t’apercevoir,