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DICTIONNAIRE FRANÇOIS

TIRE’DE L’USAGE ET DES BONS AUTEURS

DE LA LANGUE.

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A.

A. AB.


S


La lettre A garde toujours sa même prononciation, & il n’y a qu’un petit nombre de dictions où cette régle ne s’observe pas ; comme dans ces mots païs, païsan, païsanne, dépaïser, païsage. Car encore que ces mots s’écrivent avec un a, ils se prononcent peïs, peïsan, peïsage : De même que s’ils étoient écrits par un E. Voyez la colonne Aï.

L’a se doit prononcer quelquefois long, & quelquefois bref. On a donné quelques règles pour cela ; mais sans s’embarasser de toutes ces règles, il sufit, ce me semble, d’avertir ici que dans ce Dictionnaire on marque l’A qui est long, d’un accent circonflexe, & qu’on ne met aucun accent sur l’A qui est bref.

A, s. m. La prémiére lettre de l’Alphabet, & la prémiére de cinq voyelles. Un A. Il se prononce long.

Ci-dessous git Monsieur l’Abé,
Qui ne savoit ni A, ni B.
Dieu nous en doint bien-tôt un autre,
Qui sache au moins sa Patenôtre.

Ménage, poësies françoises.

Il n’en a pas fait une panse d’A. Façon de parler proverbiale, qui veut dire, il n’y a point travaillé, il n’en a rien fait, il n’a pas touché à l’ouvrage dont il est question.

A, cette particule se met pour quand ou pour lors que.

A raconter ses maux, souvent on les soulage.

Corneille Polieucte, a 1 s 3.

Il y a de l’inconvénient partout ; A ne prévoir rien, on est surpris, & à prévoir trop, on est misérable. S. Evremont, Œuvres mêlées, tom. 6. A voir le C. D. B. avec sa mine sombre, morne & malignement obscure, il n’y a personne qui ne dise de lui ce qu’en a dit un habile phisionomiste, que c’est un homme de bien, de qui l’on doit se garder de tous côtez.

A, cette particule signifie qui a. C’est à présent un homme à carosse, & il y a quelque tems, ce n’étoit qu’un miserable.

A, cette particule se met pour, que l’on doit, c’est une chose à dire, à faire, à taire, c’est-à-dire, qu’on doit dire, qu’on doit faire, ou qu’on doit taire.

A, cette particule marque la maniére dont le corps est sitüé. Etre à genoux, Godeau, priéres. Etre à mains jointes, Saci, Esaïe. A reculons.

A, cette particule jointe au verbe laisser, avec un autre, se met au lieu de par. Il y a beaucoup de personnes qui ne se laissent point emporter à l’ambition. Academie Françoise, Sentimens sur le Cid. Laissez vous, mon Dieu, fléchir à mes priéres. Godeau, Œuvres Chrétiennes, I, partie, page 215.

A, cette particule marque la sitüation des choses, ou des personnes. Il est à droit, il est à gauche. Abl. Luc. t. 3

A, particule qui désigne le tems. Il sera demain à huit heures au Licée. Abl. Luc. A jour présise.

A, particule qui marque la distance du lieu. Il est à cent pas, il est à dix lieues. Abl. Arrian. Et celle du tems. A cent ans d’ici.

A, particule qui sert à marquer à quoi une chose est propre. Moulin à papier.

A, particule, qui signifie après, poil à poil, c’est comme si l’on disoit poil après poil.

A, particule, qui étant jointe à ces mots ce que signbifie selon. (Vous vous portez bien à ce que je vois. Mol. Scapin. a 1. sc. 4. On dit aussi à mon avis, à vôtre compte.


A, article qui marque le datif singulier, ou pluriel, cet, a article aussi-bien qu’a particule, ou préposition, doit être marqué d’un accent grave, pourvu qu’il ne commence pas un vers, ou une période. (La terre & tout ce qu’elle contient est à Dieu. Pseaume de David. Le Seigneur découvre ses secrets à ceux qui le craignent. Pseaume de David.)

A, préposition qui désigne quelque repos, ou quelque mouvement local. A la maison. S. Augustin a tenu école de Rétorique à Cartage. S Augustin aprés sa conversion, se retira à la campagne. Patru. plaidoié. 15.]

A, particule qui se met devant les noms, & devant les infinitifs des verbes. [C’est à vous, mon Dieu, à juger les peu- ples. Pseaumes de David.

A, particule, qui se met au lieu de la préposition avec. (Peinture à l’huile. C’est-à-dire, avec de l’huile. A grand’peine. A regret. A petit bruit. Chapeau à grans bords).

A, particule, qui se met avec un nom, au lieu de la préposition pour. Un pot à l’eau. C’est-à-dire, pour mettre de l’eau. Prendre à témoin, à garant.

A, particule qui se met devant un infinitif au lieu de pour, ou d’afin. Maistre à dancer ; C’est à dire, pour aprendre à dancer. Bois à brûler A vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient impossible. Molière, mar forc, sc. 8. Je suis homme à traiter les choses dans la douceur. sc. 9)

A, particule qui étant mise devant un adjectif, signifie maniere, façon ; (Vétu à la Françoise. A voiles deployées. A la hâte.)

A, particule qui se met au lieu de la préposition par. [Qu’on fasse déchirer ce sacrilège à la chimère. Abl. Luc. Tom. 1.]

A, particule qui se met au lieu d’environ. (Ils marchoient dans la nége haute de cinq à six piez. Abl. Ret. l. 4.]

A, troisiéme personne du verbe avoir. Cet a ne se marque d’aucun accent, afin de le distinguer des a qui sont articles, particules, ou prépositions.

ABA.

Abaïe, s. f. Prononcez abeie, en latin Abbatia. C’est un lieu érigé en Prélature, où vivent des Religieux, ou des Religieuses sous l’autorité d’un Abé, ou d’une Abesse, & qui a du revenu pour les faire subsister, sans songer à autre chose qu’à leur salut, & à chanter les loüanges de Dieu. (Une bonne Abaïe, une riche Abaïe, une grande Abaïe, une petite Abaïe, une belle Abaïe, une Abaïe considérable.) Les plus puissantes Abaïes sont en Alemagne. Le Roi de France, depuis le Concordat, nomme à presque toutes les Abaïes en commande, & toutes les bonnes Abaies de France sont en commande. Autrefois les Maires du Palais donnoient toutes les Abaïes du Roïaume. (Avoir une Abaïe, obtenir une Abaïe, conférer une Abaïe, Vei. Fra. Paolo, traité des bénéfices, chap. 10.)

Abaïer. Voiez aboïer.

Abaisse. Terme de Patissier. Pâte qui fait le dessous de la piece de pâtisserie. [Faire une abaiffe.]

Abaisser, v. a. prononcez abessé. Mettre plus bas une chose qui étoit plus haut, (Abaisser un pont levis. Abl.)

Abaisser, ôter de la hauteur. (Abaisser une muraille de deux piez.)

  • Abaisser. Ravaler, humilier. * (Dieu abaisse l’un & eleve l’autre. Abaisser les ennemis de l’Eglise. Arn. * Abaisser l’orgueii de Cartage, Vau. Quin. l. x.)