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du Chev. Grandisson.

Votre pauvre Henriette est rentrée dans son Cabinet. Il est certain qu’il n’y a point de condition plus heureuse que le Célibat, pour les jeunes personnes qui ont assez de grandeur d’ame pour se mettre au-dessus de l’admiration & des flatteries de l’autre Sexe. Quel tumulte, quelle contrariété de passions, dans une Femme qui abandonne une fois son cœur à l’Amour ! Point de Sir Charles Grandisson, ma chere ! Cependant il est dix heures. Que votre Frere est homme prudent ! L’attente ne lui cause aucun trouble. Charmante tranquillité d’ame ! Charmante du moins pour lui ; mais fort différente pour une Femme, lorsqu’elle voit l’Homme si fier. Peut-être me demandera-t-il, en prenant encore, une de mes mains passives, sous les yeux d’une douzaine de mes Amis, si son absence ne m’a pas causé beaucoup de chagrin ?

Mais je veux lui chercher des excuses. Ne peut-il pas avoir oublié son engagement ? Le sommeil ne peut-il pas l’avoir arrêté au lit ? Quelque agréable songe, qui lui a rappelé Boulogne… Réellement je suis offensée. A-t-il pris cette humeur tranquille en Italie ? Oh non, non, ma chere.

Dans ce moment je ne puis me défendre de tourner les yeux en arriere, sur d’autres fautes que je crois avoir à lui reprocher par rapport à moi. Ma mémoire, néanmoins, ne sera pas aussi malicieuse que je le souhaiterois. Mais croyez-vous que d’autres Hom-