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Histoire

Salle, seule, & m’amusant d’une lecture, lorsqu’un de mes gens, le premier auquel il ait apparu, vint me dire qu’un Étranger demandoit à me voir. Je donnai ordre qu’il fût introduit ; & je vis bientôt paroître, en habit de campagne, un des plus beaux hommes que j’aie vus de ma vie. C’étoit un Esprit civil ; il me salua de la meilleure grace, ou du moins je me l’imaginai ; car sa figure, répondant à la description qu’on m’a faite de cet aimable homme, mon premier mouvement fut une grande surprise ; mais contre l’usage des Esprits, il me parla le premier. Après un compliment fort respectueux, il me dit que son nom étoit Grandisson… d’un ton si semblable à ce qu’on m’a représenté du sien, que je ne doutai point qu’il ne fût Sir Charles Grandisson lui-même ; & dans mon empressement à le recevoir, je pensai tomber.

Il prit place près de moi. Vous me pardonnerez, Madame, la liberté que je prends de vous interrompre… Il me tint un langage si poli, si modeste, si noble, que je lui laissai tout le tems de parler seul : je ne répondois que par des inclinations de tête, & par des témoignages du plaisir que je prenois à l’entendre ; car je jugeois encore que c’étoit réellement le Chevalier Grandisson. Il me dit qu’il ne pouvoit s’arrêter qu’un moment ; qu’il étoit obligé de se rendre, avant la nuit, dans un lieu qu’il me nomma. Quoi, quoi, Monsieur, lui dis-je, vous n’irez point au