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Histoire

Je n’entreprens point de représenter les effusions, ne dois-je pas dire les égaremens de tendresse & de joie, qui nous firent passer délicieusement le reste de ce grand Jour ? Jamais, jamais il ne sortira de notre mémoire ; il passera dans celle de nos Descendans : il vivra dans les Annales du Château de Grandisson, jusqu’au dernier jour du Monde. Et je ne regrette pas d’avoir donné le nom de miracles, à tant d’heureux incidens. Si chacun n’a rien, au fond, qui ne soit dans l’ordre de la nature, ne reconnoîtra-t-on pas, du moins, dans cette merveilleuse chaîne de causes & d’effets, qui s’entresuivent si rapidement, l’ouvrage sensible de la puissance & de la bonté du Ciel ?

Le lendemain, tout le monde se leva dans une sorte d’ivresse. On ne rencontroit pas un Ami, sans l’embrasser, un Valet, sans lui sourire. Personne n’avoit dormi, chacun s’en prenoit aux impressions trop vives de la joie ; & loin d’en être moins frais, ou moins gai, le feu du cœur sortoit par les yeux : on ne respiroit que le badinage & le plaisir. Monsieur Lowther ayant déclaré que, jusqu’à midi, il demandoit du repos & de la solitude pour la Marquise, on passa une partie du matin à visiter Clémentine, qui reçut les complimens sans embarras, & qui prit même l’air & le ton de la plus noble franchise ; & l’autre, à se parer somptueuse-