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du Chev. Grandisson

Comte, se laissa prendre à la beauté d’une rose, qu’elle voulut cueillir de sa propre main, & se piqua vivement le doigt. Il en sortit quelques gouttes de sang. Le Comte, plus mort que vif, se hâta de les essuyer, en pressant la blessure de son mouchoir, qui se trouva tout sanglant ; & dans cet état il le porta sur sa bouche avec un mouvement passionné. Il est très-certain, & je l’observai moi-même, que Clémentine, frappée apparemment de l’ardeur qu’elle avoit remarquée dans son action, fixa un moment les yeux sur lui avec une langueur tendre, qui ne pouvoit venir d’une ame insensible. Tout le monde en fut témoin comme moi, & fit la même réflexion. Nous feignîmes tous n’avoir rien observé : mais le soir chacun en fit ses félicitations au Comte.

Je crus entrevoir alors quelques heureux symptômes ; & Sir Charles, déja persuadé que le cœur de Clémentine se laisseroit vaincre, m’en faisoit attendre d’autres preuves du tems & des circonstances ; lorsqu’une catastrophe imprévue vint changer la face du Château, nous plonger subitement dans la douleur, ruiner par conséquent notre attente, & nous conduire néanmoins par des voies si tristes à des excès de bonheur que nous n’osions espérer.

Nous étions au septieme jour de nos Fêtes, & la galante Assemblée revenoit au jardin vers six heures du soir. M. Barlet, que nous fûmes surpris de voir seul, & qui sembloit