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Histoire

quoique nos jeunes Amans se gênassent peu dans leurs empressemens mutuels, on ne remarquoit point que l’attention de Clémentine s’attachât jamais avec complaisance sur cette tendre scene, ni que le bonheur d’autrui parût lui faire sentir qu’il manquoit quelque chose au sien. C’étoit même alors qu’elle prenoit une contenance plus sérieuse, jusqu’à détourner les yeux, & sembler remplie de quelqu’autre objet. Sir Charles expliquoit encore cette conduite en faveur de nos desirs, & je ne pouvois être de son sentiment.

Cependant on fit deux observations, qui me laisserent des doutes. Chacune de nous ayant son Amant ou son Mari, pour la conduire au jardin, c’étoit le rôle ordinaire du Comte de donner la main à Clémentine. Un jour, qu’on se levoit pour sortir, il ne se trouva point au Sallon ; & j’ai soupçonné Sir Charles d’avoir choisi exprès ce moment pour nous inviter à la promenade. Il me semble, dit la belle Clémentine, après avoir jetté quelques regards autour d’elle, que je suis menacée aujourd’hui de marcher sans guide. Sir Charles s’empressa aussi-tôt de chercher le Comte, le félicita secrettement de son bonheur, nous l’amena comme un Coupable, qui nous réjouit beaucoup par son embarras & ses excuses. Mais cette avanture avoit encore de l’obscurité pour moi. Un autre jour, Clémentine traversant le Parterre, appuyée sur le bras du