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du Chev. Grandisson

d’art auroient approché des graces naïves & touchantes, qui sembloient lui former un cortege, lorsqu’elle s’est présentée au Sallon ? Mais, nous obliger de la recevoir d’un air tranquille, c’étoit nous imposer une loi bien dure : il nous en a coûté presque autant à contenir le ravissement de notre admiration, que celui de notre joie.

Figurez-vous, ma chere Madame, la différence de l’hiver au printems ; ou du moins, celle d’une journée sombre, au jour le plus clair & le plus riant d’une belle saison. C’est une peinture trop foible du changement qui s’est fait dans les yeux, dans le teint & dans tous les traits de Clémentine. Son port, sa démarche, sa figure entiere, & ses moindres mouvemens, se ressentent de cette merveilleuse révolution. Tandis qu’elle s’avançoit d’un air libre & d’une marche légére, nous sommes demeurés à la regarder, avec un étonnement si vif, qu’à nous voir comme incertains, & les yeux errans sur son visage, on auroit pu nous croire frappés du mal dont elle est guérie ; oui, chere Tante, insensés de joie & d’admiration. Cependant personne ne s’est oublié. Elle a remarqué, sans doute, de quels sentimens nous étions pénétrés : mais, n’en paroissant pas moins maîtresse d’elle-même, elle ne s’est prêtée à notre embarras, que par un charmant sourire ; &, pour nous soulager promptement de cette contrainte, elle s’est placée près de sa Mere, en lui faisant quelques tendres questions sur sa santé. La Marquise n’a pu