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du Chev. Grandisson

souvent au fond de son cœur, où elle se flatte qu’il n’a rien vu de nuisible à son estime. Mais elle le prie de s’en tenir à ces assurances, & de ne hâter rien par ses sollicitations.

» Enfin, mon incomparable Fille, demandant la liberté de reparoître au milieu de sa Famille & de ses Amis, vous supplie tous de la recevoir avec une bonté tranquille, c’est-à-dire, sans mouvement & sans bruit, comme elle se présentera sans affectation. La raison, nous a-t-elle dit, en souriant, n’aime point l’éclat ; & personne ne sera surpris, qu’elle demande un peu d’indulgence pour sa raison. »

Le vertueux Pere, joignant un air de gaieté à cette conclusion badine, nous a fait passer tout d’un coup, du profond silence où son discours nous avoit tenus, à des transports de joie, qui ont éclaté par nos félicitations & nos embrassemens mutuels. Nous nous sommes dédommagés d’avance, de la contrainte qu’il nous demandoit à l’arrivée de sa chere Fille. Ensuite, pour entrer dans toutes ses vues, on a réglé, de concert, qu’on la laisseroit dans son erreur sur l’avanture du jardin ; & qu’elle ne paroîtroit que vers le tems du dîner, où notre usage est de nous rassembler dans le grand Sallon, jusqu’à l’heure du service. La Marquise, quoiqu’affoiblie par ses évanouissemens redoublés, a fait un effort pour quitter son lit, & pour se faire habiller. Elle veut qu’on ne cesse point de cacher ces deux accidens à