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du Chev. Grandisson

passion d’un cœur noble, mais par mes conseils, qui avoient dû répondre aux confidences de Sir Charles, par mes exhortations, quelquefois peut-être par mes reproches & mes plaintes. En un mot, Clémentine s’étoit persuadée que Sir Charles avoit commencé à m’aimer avant ses voyages d’Italie ; que par conséquent il n’avoit pu sentir, pour elle, que de la pitié ; que l’obstacle de la Religion n’avoit été qu’un prétexte ; & qu’ayant su par une correspondance bien établie, tout ce qu’elle avoit souffert, j’avois comme joui du spectacle de ses peines. Quel personnage avoit-elle donc fait en Italie ! Quel autre rôle faisoit-elle encore au Château de Grandisson ! Ces idées lui causoient un mortel tourment. Chaque jour, elle étoit tentée de se dérober par une seconde fuite. Elle étoit retenue malgré elle par sa tendresse pour sa famille, ou plutôt par un charme, qui l’attachoit à sa honte : mais elle doutoit que ses forces pussent résister long-tems à de si cruelles épreuves. En effet, après avoir achevé son discours avec autant de larmes que de mots, elle avoit laissé voir au Pere Marescotti des marques de trouble, qui lui avoient fait appréhender quelque nouvel accès.

Mais c’est dans sa bouche que je veux remettre ce récit. « J’avoue, a-t-il continué, que mon embarras fut excessif. Je la croyois, depuis quelque tems, dans une situation moins tumultueuse ; d’ailleurs son premier aveu m’avoit paru plus composé, & je m’étois promis quelque chose