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Histoire

frayeurs d’une Ame timide, elle se laissa tomber à genoux, les yeux fermés, la tête panchée, les mains jointes, & collées sur sa bouche. Elle écouta dans cette posture tout ce qu’il me plut d’ajouter, & je ne lui vis faire aucun autre mouvement que celui de ses mains jointes, dont elle pressoit quelquefois ses levres. Les précautions étoient inutiles pour ma retraite : Clémentine ne voyoit plus rien. Je me recouvris de mon manteau, pour sortir du Bois. La crainte d’une scene plus violente m’avoit fait apporter quelques Élixirs, dont je n’aurois pas manqué de faire usage dans le besoin, au risque de découvrir ma ruse en les employant : mais ne voyant rien à redouter, je me contentai d’aller reprendre mes habits, pour venir au-devant d’elle, & pour lui faire un reproche d’être demeurée trop tard au jardin. Cette attention ne pouvoit rien avoir de suspect, parce que depuis mon retour je n’avois pas manqué le soir de lui rendre une courte visite.

En effet, étant rentré dans le Bois, d’un pas libre, & m’étant fait reconnoître par quelques mots hazardés, je l’entendis marcher aussi-tôt vers moi, sans pouvoir juger, si ce n’étoit qu’à mon arrivée, qu’elle avoit quitté la situation où je l’avois laissée. Mes reproches furent reçus avec douceur. Elle ne refusa point mon bras, que je lui offris pour se soutenir jusqu’à son appartement. Je lui trouvai le poulx fort ému, mais sans aucune marque de foiblesse. Dans le court entretien que j’eus avec elle, sa contenance &