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Histoire

mais sans aucune marque de chagrin ou d’impatience. Elle a commencé une autre Lettre, fort courte, qu’elle a lue aussi plusieurs fois, après l’avoir finie. Enfin, paroissant contente d’elle-même, elle s’est fait apporter de la lumiere, elle a cacheté sa Lettre, elle y a mis une adresse ; & sans retomber dans ses réflexions, elle s’est levée d’un air libre, en mettant la Lettre dans sa poche. Camille & Laura attendoient ses ordres pour lui faire servir à dîner. Elle les a donnés. Elle a pris plaisir à leur parler, à les entendre. Elle s’est applaudie de sa santé, elle a reçu avec joie leurs félicitations. Dans quelques détails, qu’elle s’efforçoit néanmoins d’éviter, elle s’est attendrie jusqu’aux larmes, des peines qu’elle a causées, & de celles qu’elle a ressenties. Elle a confessé que le souvenir qui lui en reste est obscur, interrompu ; qu’elle a sur-tout de la difficulté à se rappeller les premiers tems de sa maladie ; & que dans les circonstances même que sa mémoire lui représente, une partie de ces tristes vérités lui paroît un songe ; que les traces du passé sont beaucoup plus nettes depuis son arrivée à Londres, sur-tout depuis qu’elle se croit réconciliée avec sa Famille ; mais qu’elle n’a retrouvé sa liberté d’esprit, sa mémoire, sa raison, qu’elle ne se reconnoît, qu’elle ne jouit d’elle-même, que depuis hier au soir, & par une révolution si subite, par un miracle si sensible, qu’elle a peine à se le persuader. Vous saurez tout, vous saurez tout, a-t-elle ajouté