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Histoire

Reine de votre sexe, assise sur un Trône, d’où la pitié vous fait baisser votre Sceptre, tantôt pour soutenir une pauvre petite Fille, tantôt pour en relever une autre ; car votre gloire est satisfaite de voir à vous l’Homme pour lequel tant de cœurs ont soupiré en secret.

Mais je m’écarte beaucoup du sujet de ma Lettre ; & c’est une faute où je retombe toujours, lorsque j’écris à mon Tuteur ou à vous. Mes préambules sont plus longs que ma matiere. Je commence donc ; mais n’oubliez pas que je vous demande le secret.

Tout le monde est passionné ici pour le Chevalier Belcher. C’est en effet un des plus agréables Hommes du monde. Après mon Tuteur, je crois qu’il n’y en a point de comparable à lui. Il ne quitte point cette maison ; & je m’apperçois assez que ses intentions sont particulièrement pour moi. Toute jeune que je suis, je crois réellement qu’il m’aime. Mais là-dessus tout le monde a la bouche fermée. Cependant on se dérobe souvent, pour nous laisser tête-à-tête. Il semble qu’il ait la faveur de tout le monde, & que personne cependant ne veuille lui prêter la main. Ce n’est pas qu’il m’ait fait la moindre déclaration d’amour. Je suis si jeune ! vous le savez ; & sûrement M. Belcher est un homme fort sage.

Mon Tuteur l’aime beaucoup ; & qui peut se défendre de l’aimer ? Ses manieres sont si galantes, son langage si poli, le son de sa voix… en vérité, c’est un très-aimable