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du Chev. Grandisson

jamais offensée. Elle n’a servi qu’à m’aggrandir, en me donnant le pouvoir de lui pardonner. Que toute ma vengeance soit dans les remords que je lui souhaite, en apprenant que je lui pardonne, & que je fais des vœux pour son bonheur.

C’en seroit une en effet, a répondu Sir Charles, si celle qui a pu vous maltraiter étoit capable du généreux repentir que vous lui souhaitez. Mais, en lui pardonnant, pouvez-vous prétendre que votre Famille se joigne à vous ; c’est-à-dire, qu’elle lui abandonne une succession réversible, pour récompense de sa cruauté ? Condamnerez-vous dans vos Proches cette tendre affection, qui les rend sensibles aux barbaries exercées contre vous ! Chere Clémentine ! n’aspirez point à vous élever au-dessus de la nature. Souvenez-vous que vos Grands-Peres n’ont jamais destiné leur succession à Daurana. Ils n’ont pensé à la nommer, que pour assurer plus efficacement la disposition qu’ils faisoient en votre faveur ; & ce n’est pas expliquer leurs intentions au hasard, puisqu’au défaut d’Héritiers de votre part, ils ont substitué successivement vos deux Freres, qui n’en sont pas plus avides de cet Héritage. L’empressement de leur cœur est pour votre mariage. Ils desirent seulement que votre bien ne passe point à la cruelle Daurana. Mais, si vous pouvez renoncer pour vous-même aux dispositions de vos Ancêtres, devez-vous renoncer aux prétentions de vos Freres ?