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changé. Ne leur laisserez-vous pas la liberté des désirs, sur tout lorsqu’ils s’interdisent jusqu’à celle de les exprimer ? Comptez, Mademoiselle, qu’en ma présence, le Marquis votre Pere a déclaré très-sérieusement au Comte de Belvedere, qu’il ne devoit plus conserver d’espérance. Puisse-t-il vivre assez pour vous voir heureuse ! Vous devez être convaincue qu’il est plus embarrassé de la fin que des moyens.

Mon Pere, ma Mere, sont la bonté même. Que le Ciel conserve leur précieuse vie ! (Un ruisseau de larmes couloit le long de ses joues).

Je suis sûr, ma chere Clémentine, qu’il n’y a point d’état dans la vie où vous pussiez être heureuse, si votre choix faisoit le malheur de vos Parens. Clémentine, après la Profession même, seroit-elle jamais capable de renoncer à l’affection filiale, à tout ce qu’on nomme tendresse du sang ? Cette vie contemplative, qui fait aujourd’hui sa passion, ne rendroit-elle pas, & trop tard, puisqu’il ne seroit plus tems de reculer, & peut-être avec d’autant plus de regret qu’il seroit trop tard, ses affections plus vives, plus impétueuses, pour des Parens si dignes de toute sa tendresse, pour des Freres si désintéressés dans la leur, & qui ont pris une part si sensible à ses peines ?

Elle a soupiré, elle a pleuré. Ô Chevalier ! c’est tout ce qu’elle a pu dire.

Vous ne sauriez vous proposer, Mademoiselle, de vivre uniquement dans vous-même,