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Histoire

son propre sort… « Peut-elle être heureuse, dit-il, dans la situation que vous connoissez ? N’y aura-t-il pas toujours un violent combat entre les hautes notions qu’elle a du devoir, & sa passion, quoique la plus noble dont un cœur ait jamais brûlé ? Le désordre de son esprit ne peut-il pas se renouveller sans cesse ? Si cette divine Fille étoit à moi (souffrez que je me livre un moment à cette délicieuse supposition !) je me flatterois de pouvoir ménager, conduire, calmer une ame si noble. Nous pourrions nous entretenir avec une égale affection du meilleur des Hommes, dont la bonté n’est pas plus l’objet de son Amour que de ma vénération. Les jalousies vulgaires ne m’empêcheroient point de convaincre la Maîtresse de mon ame, que j’approuve son amour de Sœur. Elle ne seroit point abandonnée alors au silence, à la solitude, aux tourmens qui font le malheur de sa vie. »

Ma Grand-Maman, ma Tante, ma Lucie, que dites-vous d’un sentiment si noble ? Souhaiterai-je que Clémentine se laisse fléchir en faveur d’un Homme qui le mérite réellement ? Me rendrois-je, qu’en pensez-vous, dans la même situation ? Une question meilleure encore ; devrois-je me rendre ?

Lundi, 14 Mai.

La liberté qu’on me laisse de vous écrire, doit vous convaincre que ma santé est fort