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du Chev. Grandisson.

mentine ne me laissa aucun doute. Elle étoit débout, appuyée sur le dos d’un fauteuil.

Un genou à terre, prenant sa main tremblante, quelle joie, lui dis-je, quel ravissement, Mademoiselle, de vous voir en Angleterre ! Je pressai sa main de mes levres ; & me levant, je la priai de s’asseoir ; car elle trembloit, elle soupiroit ; elle s’efforçoit de parler, & pendant quelques momens elle n’en avoit point la force.

J’appellai Laura, dans la crainte qu’elle ne tombât sans connoissance.

Oh ! cette voix si chere ! s’écria-t-elle. Et pouvez-vous sentir quelque satisfaction de me voir ? Moi, une Fugitive, une Ingrate, une Fille dénaturée ? Ô Chevalier ! ne souillez point votre caractere, en approuvant une démarche telle que la mienne.

Je vous vois, Mademoiselle, avec la plus vive joie. Votre Frere, votre Ami, se félicite de votre heureuse arrivée.

N’ajoutez pas un mot, Chevalier, sans m’avoir appris si j’ai un Pere… si j’ai une Mere !

Graces au tout-puissant, Mademoiselle, vous les avez tous deux.

Elle leva ses deux mains jointes. Graces, en effet, graces te soient rendues, ô Ciel ! que j’ai toujours imploré pour eux. Le désespoir auroit été mon partage, si je ne les avois plus. Je tremblois de vous le demander. Je me serois regardée comme la plus détestable des Parricides, si j’avois perdu l’un ou l’autre.