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du Chev. Grandisson.

voir votre Femme… à condition néanmoins qu’elle ne pût me voir elle-même. Je suis venue avec peu d’habits ; & ce ne sont pas même les meilleurs que j’eusse à Florence. Tout est demeuré à Boulogne. Mon Pere & ma Mere aimoient à me voir parée. J’y consentois, pour leur satisfaction plus que pour la mienne. Je ne suis ni fiere, ni vaine. Vous me connoissez, & mieux que je ne fais moi-même. Mais, hélas ! Vous ne me reconnoissez plus. Je suis une Fugitive, & je sais que vous ne me le pardonnerez jamais. Que faire ? c’est un mal sans remede. Cependant je prendrois plaisir à voir votre Femme ! elle se met richement, je suppose. Elle a raison sans doute, & je l’approuve beaucoup. On m’a dit que c’étoit une des plus belles Femmes d’Angleterre… À l’égard de sa beauté, je sais qu’elle n’a rien d’égal. J’en loue le Ciel. Vous savez bien, Chevalier, que dans toutes mes prieres, j’ai demandé que la meilleure des Femmes tombât au meilleur des Hommes. Je crois avoir entendu qu’Olivia parle d’elle avec éloge. Elle l’a vue en Angleterre, lorsqu’elle y étoit une vagabonde, hélas ! telle que je le suis à présent. Mais le motif d’Olivia étoit fort différent du mien. Elle étoit venue en Angleterre, dans l’espérance d’y obtenir un Mari. Pauvre Italienne ! je la plains du fond du cœur.

Mais est-il impossible, Chevalier, que je voie votre Femme sans qu’elle me voie ? Je n’ai pas besoin de me déguiser. Si vous étiez avec elle, lui donnant la main, par exemple,