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du Chev. Grandisson

Je ne dois plus penser, Mme, à vivre avec vous.

Pourquoi ? Vous me trouverez toujours votre véritable Amie.

Mais je suis sûre que l’avis du Docteur est juste. Je dois vous avouer, Mme, que chaque jour, chaque heure du jour, où je vois sa tendresse pour vous, le plaisir qu’il prend à faire du bien, & l’admiration que tout le monde a pour lui, je l’admire de plus en plus. Je vois que j’ai moins de pouvoir sur moi-même que je ne me l’étois promis : & si son mérite ne fait que se répandre sans cesse avec un nouveau lustre, foible comme je suis, il me sera impossible de soutenir l’éclat de sa gloire. Ô Madame ! je dois fuir. Quoi qu’il m’en puisse coûter, je suis résolue de fuir.

Que d’admiration, que de pitié, que de tendresse j’ai ressenti pour cette chere Créature ! Je l’ai prise dans mes bras ; & la serrant contre mon sein ; Que vous dirai-je, mon Émilie ? Que puis-je vous dire ? Apprenez-moi vous-même ce que vous attendez de moi !

Vous êtes prudente, Mme. Vous avez le cœur tendre & généreux. Ah ! que ne suis-je aussi bonne ! Prescrivez-moi quelque chose. Je vois qu’il y auroit de la folie à souhaiter de vivre avec vous & mon Tuteur.

Est-il nécessaire, ma chere, pour régler vos sentimens, que vous cessiez de vivre avec nous ?

Absolument nécessaire, j’en suis convaincue.

Si vous alliez à Londres, ma chere, vous mettre sous la protection de sa Tante ?

Quoi, Madame ? Encore dans la maison de mon Tuteur ?

J’espere qu’un peu d’absence, avec le secours de cette disposition, dont vous me donnez de si fortes preuves, produira l’effet que nous desirons : car enfin, ma chere, vous ne pouvez jamais penser qu’à admirer, dans l’éloignement, les grandes qualités de votre Tuteur.

Il est vrai que je ne me connois que d’aujourd’hui. Je n’aurois jamais cru que je pusse former