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du Chev. Grandisson

que cet aveu me donnera quelque droit à vos conseils. C’étoit mon dessein, mais je craignois votre haine. Dans les mêmes circonstances, je doute si je serois aussi généreuse que vous. Ah ! que je regrette d’avoir proposé ma question au Docteur !

Le Docteur, ma chere, est la bonté même. Il gardera fidelement votre secret.

Et m’assurez-vous, Mme, qu’il ne le révélera point à mon Tuteur ? J’aimerois mieux mourir, que de lui voir quelque défiance de moi. Il me haïroit, Madame, si vous ne le faisiez pas.

Jamais il n’en sera informé, ma chere. Vous avez déja demandé le secret au Docteur, je n’en doute point.

Oui, Madame.

Il le gardera, ne craignez rien ; sur tout, lorsque votre charmante ingénuité m’aura mise en état, mon Amour, de trouver des expédiens pour la sûreté de votre honneur & pour vous conserver l’estime de votre Tuteur.

Hé oui, Madame. C’est précisément ce que je desire.

Ouvrez-moi donc ce cœur innocent. Regardez-moi comme votre Amie, comme votre Sœur ; comme si je n’étois pas l’heureuse Femme de votre cher Tuteur.

Je vous le promets, Madame… Hélas ! je ne m’étois pas défiée de moi-même, jusqu’au jour de votre mariage. C’est alors que j’ai commencé à sentir du trouble dans mon cœur, d’autant plus que je m’efforçois de le cacher à mes propres yeux, car j’étois réellement effrayée de les tourner sur moi. D’où me vient cette crainte ? me demandois-je à chaque moment. Ai-je quelque chose à me reprocher ? Quels sont mes desirs ? Quelles peuvent être mes espérances ? N’est-il pas certain que j’aime Mylady Grandisson ? Oui, sans doute. Cependant, par intervalles… Ne me haïssez pas, Madame. Je veux vous découvrir le fond de mon cœur & toute ma foiblesse.

Continuez, chere Émilie : vous ne sauriez me