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Histoire
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Assurément, il ne m’en a pas dit un mot.

En effet, j’aime bien mieux que vous le sachiez de moi. Je crains seulement qu’il ne devine de quelle jeune fille il s’agit. Pauvre ruse ! Que je suis une sotte créature ! il le devine certainement.

Puis-je savoir la question, mon amour ? Puis-je savoir la réponse ?

J’ai brûlé l’une & l’autre dans un excès de colere contre moi-même, pour m’être radicalement exposée ; car il a certainement deviné la jeune fille : je les ai jettées au feu.

Mais vous pouvez m’expliquer le cas. Vous pouvez me dire la réponse en substance.

Comment le puis-je ? Vous, Mme, que j’aime plus que toutes les autres femmes ensemble, vous… Mais vous devez me haïr, me mépriser !

Confiez-moi votre secret, ma chere. Si c’en est un que je crois déjà pénétrer, comptez qu’il ne sortira jamais de mon sein.

Elle a tressailli. Que vous pénétrez, Madame !

Ne vous effrayez point, mon amour.

Oh ! non, non, il est impossible. Si vous l’aviez pénétré.

Eh bien, qu’arriveroit-il ?

Vous banniriez pour jamais l’odieuse Émilie de votre présence. Vous obligeriez mon Tuteur de renoncer à moi.

Vous dirai-je, ma chere, ce que je crois avoir pénétré ?

Dites-le moi donc à l’oreille (en jettant autour de moi la main que je ne tenois pas). Dites-le moi si bas, que je ne puisse l’entendre.

Vous aimez votre Tuteur, Émilie. Il vous aime.

Ô Madame !

Il vous aimera toujours, & j’aurai les mêmes sentimens pour vous. Votre amour est fondé sur la reconnoissance. Tel étoit le mien. Ne sais-je pas, Émilie, tout ce qu’on peut dire en votre faveur ?

À la fin, Mme, l’excès de votre bonté dissipe mes craintes. Je vois que je puis vous avouer toute ma foiblesse, toute ma folie, d’autant plus