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Histoire
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Mon Mari, mon Oncle & M. Deane, étant sortis ce matin après le déjeûner, & ma Tante s’étant retirée pour écrire, je suis montée à mon cabinet dans la même vue. Émilie est venue frapper à ma porte. J’ai ouvert aussi-tôt.

Ai-je mal choisi l’heure, Madame ?

Non, ma chere. (J’avois observé, hier à souper, & ce matin pendant le déjeûner, des traces de larmes dans ses yeux, quoique personne n’eût fait la même remarque : mais les avis que j’avois reçus de ma femme de chambre me rendoient plus attentive).

J’ai pris sa main, & j’ai voulu la faire asseoir près de moi. Non, Madame, a-t-elle dit, souffrez que je demeure debout. Je ne suis pas digne d’être assise en votre présence.

(Elle avoit les larmes au bord des yeux : mais comme je lui voyois remuer les paupieres, dans l’espérance de les dessécher, je n’ai pas voulu marquer que j’y fisse attention. Je crois d’ailleurs que j’étois dans le même état, par un mouvement de sympathie.)

En ma présence, Émilie ! mon Amie, ma Sœur ! D’où peut venir ce langage ? (Je me suis tenue debout aussi). Votre Sœur aînée, mon amour, ne sera point assise, pendant que sa cadette est debout.

Elle s’est jettée à mon cou, & ses larmes se sont ouvert le passage. Cette bonté, cette bonté me tue. Je suis, je suis une très-malheureuse créature ! Malheureuse, pour avoir obtenu tout ce que je désirois. Ah ! que ne me traitez-vous séverement ? Je ne puis, je ne puis me supporter moi-même, au milieu des témoignages continuels que je reçois de votre bonté.

Quelle peut être la cause de ce trouble, ma chere Émilie ? Je vous aime tendrement. Je serois ingrate, insensible au mérite de mon Émilie, si je ne contribuois pas de tout mon pouvoir à son