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du Chev. Grandisson.

puis le nommer mieux. Et jamais je ne l’ai tant respecté qu’à présent, depuis que je vois avec quelle douceur, avec quelle affection, il cherche à faire le bonheur de ma chere Mylady. Cependant, Madame, pour ne vous rien dissimuler, si j’étois mariée, & que ce ne fût pas avec un homme tout-à-fait semblable à lui, je craindrois d’être assez foible pour vous porter envie : je serois du moins une très-malheureuse Femme.

Ne doutez pas, ma chere, que si vous étiez capable d’envie, cette noire pasion ne vous rendît malheureuse. Mais vous ne devez jamais recevoir les soins d’un homme, à qui vous ne croirez pas plus d’amour pour vous que pour toute autre Femme, qui ne sera point honnête homme par principes, homme sensé, & qui n’aura pas un peu vu le monde.

Où trouve-t-on, Madame, des hommes de ce caractere ?

Reposez-vous de ce soin sur votre Tuteur. Si vos yeux ne vont pas plus vîte que votre jugement, comptez, ma chere, qu’il vous fera trouver un homme avec lequel vous puissiez être heureuse.

Oh ! Madame, ne craignez rien de ma précipitation : premierement, parce que mon respect pour mon Tuteur & ses grandes qualités feront paroître tous les autres hommes fort petits à mes yeux. Ensuite, j’ai tant de confiance à son jugement, que s’il allongeoit le doigt, en me disant, Émilie, voilà l’homme qui vous convient, je m’efforcerois d’aimer celui qu’il m’auroit montré. Mais je crois qu’il me sera impossible de prendre jamais du gout pour aucun homme.

Il y a du tems de reste, mon Amour. En attendant, n’en connoissez vous aucun, que vous pussiez préférer aux autres, si vous étiez dans l’âge de vous marier ?

Je ne sais que répondre à cette question. J’ai du tems, comme vous dites. Je ne suis qu’une très--