Oui, oui ; mais l’amour est différent.
Expliquez-moi donc la nature de votre amour.
Il m’est impossible ! (en poussant un soupir.)
Pourquoi soupirer ? Vous m’avez fait la même question : j’ai répondu que je soupirois de pitié.
Pour moi, Mme, j’ai pitié aussi de Clémentine, mais je ne soupire pas pour elle ; parce qu’elle a pu épouser mon Tuteur, & qu’elle ne l’a pas voulu.
Elle n’en est que plus digne de nos soupirs, Émilie. Un motif tel que le sien…
Fi, fi, son motif ! lorsqu’il lui laissoit la liberté de vivre dans sa Religion !
Ce n’est donc pas pour Clémentine que vous soupirez ?
Je ne le crois pas, Madame.
Pour qui donc ?
Je ne sais. Il ne faut pas me le demander. Habitude, & rien de plus.
Mais je vois que mon Émilie soupire encore.
Pourquoi vous en appercevoir, Mme ? Habitude, je vous l’ai dit. Cependant, croyez-moi, ma chere Mylady, (en me passant les bras au tour du Cou & cachant la tête dans mon Sein) si la vérité étoit connue…
Elle s’est arrêtée, mais sans changer de posture ; & je sentois ses joues brulantes.
Eh bien, ma chere, si la vérité étoit connue ?
Je n’ose parler. Vous serez fâchée contre moi.
Non, mon Amour, je vous en assure.
Oh oui ! mais vous serez fâchée.
J’ai cru, ma chere, que nous étions deux Sœurs. J’ai cru qu’il n’y avoit point de secret entre nous. Dites-moi : de quoi est il question ? si la vérité étoit connue…
Hé bien, Madame, pour faire l’essai de votre bonté, dites-moi, n’êtes-vous pas un peu sujette à la jalousie ?
À la jalousie, ma chere ! Vous me surprenez. Pourquoi, de qui, de quoi, jalouse ? La jalousie suppose un doute : De qui puis je douter ?