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du Chev. Grandisson.

Charmante sensibilité, s’est-il écrié ! Il a jetté ses bras autour de moi, mais il les a retirés aussi-tôt, comme s’il s’étoit reproché cette liberté. Pardon, Mademoiselle ! l’admiration se mêle quelquefois avec le respect. Ma reconnoissance n’a que les voies humaines pour s’exprimer. Quand verrai-je l’heureux jour qui n’y mettra plus de bornes ? Il a pris ma main, & l’a pressée encore de ses levres. Mon cœur, m’a-t-il dit, est à vous, comme au Ciel même !

Nancy est venue alors : pourquoi venoit-elle nous dire qu’on nous attendoit à déjeûner ? Déjeûner ! Hé ! qu’importe, ai-je pensé ? Le Monde entier, chere Mylady… Mais je me livre trop… Cœur passionné, je ne t’abandonnerai pas ma plume ! La plus chere Amie pourroit-elle me pardonner des mouvemens si vifs, & dont l’aveu ne peut être justifié que par l’ardeur présente qui se renouvelle en les écrivant ?

N B. [Après le déjeûner, elle prend sa plume.] Je viens de lire toute cette Lettre à ma Tante & à Lucie. Elles m’ont embrassée toutes deux, en m’assurant qu’elle leur causoit autant d’admiration que de joie. Vous, ma chere, apprenez-moi le moyen de marquer ma reconnoissance, j’ai presque dit mon amour, sans aller jusqu’à laisser le jour, l’heure & tout le reste à sa détermination.

Mais, en lisant à ma Tante ce que j’avois écrit, je me suis apperçue, avec honte, que dans l’énumération qu’il m’a faite des Amis dont il veut composer sa société, j’ai oublié