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du Chev. Grandisson.

ne dire que la vérité. Sur un point de cette importance je serois inexcusable, si…

La voix m’a manqué. Ses yeux étoient fixés sur les miens. Pour la vie, il m’auroit été impossible de dire un mot de plus : cependant je souhaitois de pouvoir parler.

Si… vous n’achevez point, Mademoiselle ! & prenant ma main, sur laquelle il a penché son visage, il est demeuré dans cette attitude, sans lever les yeux vers moi. J’ai retrouvé la force d’ouvrir la bouche. Si, pressée comme je le suis, ai-je continué, & par Sir Charles Grandisson, je faisois difficulté de lui ouvrir mon cœur. Je répons ; Monsieur, que cette préférence est telle que vous la desirez.

Il a baisé ma main, avec un mouvement passionné. Il a mis un genou à terre, & m’a baisé encore une fois la main. Vous me liez pour jamais, Mademoiselle ; & permettez-vous qu’avant que je quitte la posture où je suis, charmante Miss ! permettez-vous que je vous supplie de hâter le jour ? J’ai beaucoup d’affaires ; j’en prévois encore plus, à présent que je suis revenu pour m’établir solidement dans ma Patrie. Toute ma gloire sera de vivre avec honneur dans une condition privée. Je n’ambitionne point les emplois publics. Il faudra que mes services soient bien nécessaires à l’État, si j’entreprends jamais rien qui paroisse me donner en spectacle. Hâtez-vous, Mademoiselle, de me rendre un heureux Mari, comme je ne puis manquer de l’être avec vous. Je ne vous prescris point le tems : mais vous êtes au-dessus des