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du Chev. Grandisson.

je le veux absolument. Ne craignez point que je la mange, comme il s’en est peu fallu dans un autre tems. (Il m’a pris la main, & je n’ai pas résisté.) À présent, Mademoiselle, écoutez mes dernieres expressions : Vous aurez la gloire de donner au meilleur des Hommes, la meilleure des Femmes. Que le jour n’en soit pas retardé long-temps, pour l’amour de ceux qui conserveront jusqu’alors un reste d’espoir. Comme votre Amant, je dois de la haine à cet heureux Homme ; mais je l’aimerai comme votre Mari. Il sera pour vous, tendre, affectionné, reconnoissant ; & vous mériterez toute sa tendresse. Puissiez-vous vivre, ornement de la Nature humaine, comme vous l’êtes tous deux, pour voir les Enfans de vos Enfans, tous aussi bons, aussi parfaits, aussi heureux que vous-mêmes ! Et, pleins d’années, comblés d’honneur & de satisfaction, puissiez-vous, dans la même heure, être transportés au Ciel, seul terme où vous puissiez être plus heureux que vous ne le serez par votre mariage, si vous l’êtes autant que je le désire, & que je le demande à l’Auteur de tous les Biens !

Les larmes sont tombées de mes yeux, en recevant cette bénédiction imprévue, si semblable à celle de cet ancien Prophête, qui bénissoit, lorsqu’on le croyoit prêt à maudire[1].

Il tenoit encore ma main. Je ne le ferai point sans votre permission, Mademoiselle… Puis-je, avant que de la quitter… Il me regardoit, comme pour attendre mon consen-

  1. Balaam.