Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
Histoire

dois blâmer, dans le plus cruel & le plus malheureux de tous les événemens ! Je ne le pourrois avec justice. Blâmerai-je mon Pere & ma Mere ? Ils se blâment eux-mêmes de vous avoir accordé un accès trop libre auprès de ma Sœur. Cependant, ils reconnoissent que vous vous êtes conduit fort noblement ; mais ils avoient oublié que leur fille avoit des yeux. Qui ne connoissoit pas son discernement ? Qui pouvoit ignorer son estime & son goût pour le mérite ? Dois-je donc blâmer ma Sœur ? Non assurément. Je blâmerai encore moins ses deux autres Freres. Mais n’est-ce pas sur moi que le blâme doit tomber ? Cette chere Sœur, m’a-t-on dit, a confessé à Madame Bemont, que la vive tendresse qu’elle m’a vue pour vous, n’a pas eu peu d’influence sur son cœur. Est-ce donc moi-même que je dois accuser ? Si je considere mon intention, & la justice de mes sentimens pour un homme à qui je dois la vie & le goût de la vertu, je ne puis me croire coupable, pour m’être quelquefois livré aux transports de ma reconnoissance. Ne trouverai-je donc personne que nous puissions accuser de notre malheur ? La nature en est bien étrange, & les circonstances sans exemple !

Mais est-il vrai qu’il y ait une différence si irréconciliable entre les deux Religions ? Il faut le croire. L’Évêque de Nocera l’assure. Clémentine le pense. Mon Pere & ma Mere en sont persuadés.