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Histoire

convenir que le mépris est bien difficile à supporter ! Elle s’est levée alors de sa chaise ; & depuis ce moment, ses accès ont pris différentes faces. Tantôt elle ne parle qu’à elle-même ; tantôt elle paroît s’adresser à quelqu’un. Elle a toujours un air d’étonnement ou d’admiration. Quelquefois elle tressaillit, comme on fait dans la plus vive surprise. Assise, ou debout, elle n’est jamais tranquille. Quoiqu’elle s’agite, avec diverses marques de tristesse & d’affliction, on ne la voit point pleurer, elle qui arrache des larmes à tout le monde. Dans les discours qu’elle tient, je crois avoir découvert qu’elle répete une partie de ce qui s’est passé entr’elle & son Directeur. Mais rien ne lui échappe plus souvent que ces trois mots ; Ciel ! être méprisée ! Elle a dit une fois, être méprisée par un Protestant ! quel comble de honte !

Telle est, ajouta Camille, la situation de ma malheureuse Maîtresse. Je vois, Monsieur, que ce récit vous touche. Vous êtes sensible à la compassion. La générosité fait une partie de votre caractere. Vous aimez ma Maîtresse. Il est impossible que vous ne l’aimiez pas. Que je plains les tourmens de votre cœur ! L’amour de ma Maîtresse s’étendoit au-delà de ce monde périssable. Elle vouloit être à vous, Monsieur, pour toute l’éternité.

Camille auroit pu se livrer plus long-tems à sa tendre affection, pour une Maîtresse