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Histoire

Cependant je m’expliquai avec assez d’ardeur, pour faire attribuer à mon respect une retenue dont il n’étoit pas la seule cause. Ensuite ayant avancé un fauteuil pour la Marquise, j’en tirai un pour moi par son ordre. Elle prit une des mains de sa Fille pour exciter sa confiance, & je me hazardai à prendre l’autre. L’aimable Clémentine baissa la tête en rougissant, mais elle ne se refusa point à cette hardiesse, comme elle l’avoit fait dans une autre occasion. Sa Mere me fit plusieurs questions indifférentes sur mon voyage, & sur les Cours que j’avois visitées depuis mon départ. Elle me demanda des nouvelles d’Angleterre, de mon Pere, de mes Sœurs ; & ces dernieres questions furent accompagnées d’un air de complaisance & d’amitié, tel qu’on le prend pour s’informer des personnes qui doivent bientôt nous appartenir.

Quel mélange de peine & de plaisir ne ressentis-je point de toutes ces faveurs ! Je ne doutois point qu’on ne me proposât un changement de Religion, & je doutois encore moins de mon invincible attachement à la mienne. Après une conversation assez courte, l’aimable Fille se leva, fit une profonde révérence à sa Mere, me salua d’un air de dignité, & sortit du Cabinet. Ah ! Chevalier, me dit alors la Marquise, je ne m’attendois guere, lorsque vous nous avez quittés, à vous revoir si-tôt, ni pour le sujet qui nous rassemble. Mais vous êtes