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Histoire

la plus grande familiarité de l’amitié, & lorsque sa bonté lui a fait faire avec moi l’office de Précepteur. Comment aurois-je pu m’armer, contre un homme dont rien ne pouvoit me donner de la défiance ?

Cependant je n’ai commencé à connoître la force de mes sentimens que dans le tems où l’on m’a proposé le Comte de Belvedere, & d’un ton si sérieux que j’en ai pris l’alarme. J’ai considéré le Comte, comme la ruine de mes espérances. Et je n’ai pu répondre néanmoins aux questions de mes Parens, qui vouloient savoir la cause de mon refus. Quelle raison aurois-je pu leur apporter, lorsque je n’en avois point d’autre que ma prévention en faveur d’un autre homme ? une prévention entiérement cachée dans le fond de mon cœur. Mais je me rendois témoignage que je mourrois plutôt que d’être jamais la femme d’un homme d’une Religion contraire à la mienne. Je suis zélée Catholique. Tous mes Parens ne le sont pas moins. Combien n’ai-je pas voulu de mal à cet opiniâtre Hérétique, comme je lui en donnois souvent le nom ; le premier que mon cœur n’ait pas détesté, car je ne vous connoissois point encore, ma chere Madame Bemont. Je crois en effet, que c’est le plus obstiné Protestant qui soit jamais sorti d’Angleterre. Quel besoin avoit-il de venir en Italie ? Que ne demeuroit-il dans sa Nation ? ou s’il devoit venir ici, pourquoi s’y arrêter si long-tems, & persister