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Histoire

Il regarda d’abord le premier, & puis l’autre, avec différentes marques de surprise, après quoi m’ayant fait une profonde révérence, qui fut suivie d’une autre à mon Tuteur, il les présenta tous deux à ma Mere. C’est vous, Madame, lui dit-il, qui devez être mon interprête. Je ne trouve point d’expression qui réponde à mes sentimens. Que le Ciel m’accorde la force de soutenir tout ce que j’éprouve ! Il sortit brusquement du Cabinet où nous étions, & lorsqu’il fut dans l’antichambre, il s’essuya les yeux, en laissant échapper des sanglots qui furent entendus des Domestiques. Ma Mere jetta successivement les yeux, comme son Mari, sur les deux Billets ; & les levant sur moi, elle m’embrassa dans un nouveau transport de tendresse. Elle voulut adresser quelque chose à mon Tuteur, mais il la prévint, en lui disant : Émilie ne manquera jamais à ce qu’elle vous doit, Madame, & respectera aussi M. Ohara. Puissiez-vous être heureuse ! Ensuite il la conduisit, quelle condescendance ! il la conduisit par la main à M. Ohara, qui, s’étant un peu remis, se disposoit à faire quelques libéralités aux Domestiques. Monsieur le Major, lui dit mon Tuteur, comptez que mes Gens ne reçoivent leur paiement que de moi, ils ont là-dessus des principes dont je leur tiens compte.

Il conduisit ma Mere jusqu’au carrosse. Pour moi je ne pus aller bien loin. Je rentrai