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Histoire

présenterent d’eux-mêmes, s’approchassent pour servir. On n’entendit, pendant le thé, que des applaudissemens & des bénédictions. On ne vit que des regards & des mouvemens d’admiration & de reconnoissance. Quelle joie dans tous les cœurs ! Vous vous l’imaginez bien, Mademoiselle. N’est-il pas charmant de faire le bonheur d’autrui ? Ah ! sans doute. Que mon Tuteur fit de cœurs heureux ! Il faut que vous lui disiez, Mademoiselle, d’avoir moins de bonté pour moi. Je ne sais ce que je ferois de moi-même. Je craindrois de l’adorer à la fin. Mais s’il cessoit aussi de me traiter avec cette tendresse, que deviendrois-je ? J’aurois recours à mes larmes ? ma colere se tourneroit contre moi-même, & je penserois qu’il ne peut rien faire de blâmable.

Ô mon amour, mon Émilie ! ai-je interrompu ; modérez votre reconnoissance : elle entraîne votre véritable Amie.

Eh ! quel mal y trouvez-vous, Mademoiselle ? Un bon cœur peut-il être ingrat ? M. Barlet dit qu’il n’y a point de vrai bonheur dans cette vie : ne vaut-il pas mieux que notre malheur vienne d’une bonne cause que d’une mauvaise ? Vous-même, chere Miss Byron, vous m’avez quelquefois rendue malheureuse : comment ? par votre bonté, & parce que je ne me sentois capable, ni de la mériter, ni de la reconnoître.

La charmante Créature a continué son petit babil. Après le thé, mon tuteur me