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Histoire

Amie, vous ne sauriez être plus mortellement affligée que moi.

Dans cet intervalle, Clémentine promenoit ses regards, avec beaucoup d’attention, tantôt sur moi, tantôt sur sa Mere, dont elle voyoit couler les pleurs. Enfin, rompant le silence, après avoir pris la main de la Marquise & l’avoir baisée ; je ne comprends rien, dit-elle, à tout ce qui se passe ici. Cette maison n’est plus la même. Il n’y a que moi qui ne suis pas changée. Mon Pere est tout différent de ce qu’il étoit. Mes Freres aussi. Ma Mere n’a jamais les yeux secs. Moi, qui ne pleure point, je dois vous consoler tous. Oui, c’est mon office. Chere maman ! cessez donc de vous affliger. Mais je ne fais qu’augmenter vos pleurs ! Ô ! Maman, que diriez-vous de moi, si je refusois vos consolations ! Elle se mit à genoux devant la Marquise. Elle prit ses mains, qu’elle baisa tendrement. Consolez-vous, Madame, je vous en conjure ; ou prêtez-moi quelques-unes de vos larmes, afin que je puisse pleurer avec vous. Pourquoi donc n’en puis-je tirer de mes yeux ? Et je vois le Chevalier qui pleure aussi ! De quoi est-il question ? Ne me l’apprendrez-vous pas ? Vous voyez quel exemple je vous donne, moi qui ne suis qu’une foible fille ; je ne verse point une larme. Elle affectoit en même tems une contenance libre.

Ô Chevalier ! me dit sa Mere, avec autant de sanglots que de paroles, je me per-