Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 2, 1763.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
Histoire

permettra. Mylord L… sera consulté plutôt que moi, & jouira de la confiance de mes deux filles contre leur Pere. Je prévois que dans ce moment vous m’allez regarder comme votre plus mortel Ennemi. Mais je vous renoncerai toutes deux pour mon sang, & je permettrai à votre Frere, la joie de ma vie ! l’espérance de mes jours plus heureux, ! de repasser promptement la Mer. Il vous renoncera aussi pour ses Sœurs, ou je le renoncerai lui-même ; & je serai alors un Pere sans Enfans, quoique j’en aie trois pleins de vie, & de la meilleure de toutes les Meres. Quel chagrin n’auroit-elle pas ?…

L’émotion de Miss Charlotte fut si vive, qu’elle n’eut pas le pouvoir d’y résister. Ô ma chere Mere ! s’écria-t-elle, quel malheur pour nous de vous avoir perdue ! C’est aujourd’hui que vos Filles sentent que vous leur manquez. Elle fut prête à prendre la fuite, après cette exclamation. Les regards de son Pere la firent trembler. Il se leva. Caroline, ne remuez pas, dit-il à l’Aînée. Il me reste quelque chose à vous dire. Vous, Charlotte, approchez ; & la prenant par les deux mains, il lui reprocha d’avoir osé l’interrompre, avec une effronterie qu’il prétendoit avoir lue jusques dans ses yeux. Elle se laissa tomber à ses pieds. Elle lui demanda pardon. Mais tenant d’une main les deux siennes, & la menaçant de l’autre ; que le Ciel me punisse, lui dit-il, d’un ton furieux, si je vous pardonne ! J’avois souhaité que