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du Chev. Grandisson.

vaincre, je ne me marierai jamais, si ce n’est point avec Mylord L…

Mais Charlotte raconte que pendant toutes ces agitations de sa triste Sœur, n’étant elle-même gueres moins agitée, elle tiroit des chaises, elle les remettoit à leur place, elle regardoit Miss Caroline, elle détournoit les yeux dans la crainte de rencontrer ceux de leur Pere ; elle les fixoit sur le bout de ses doigts, en souhaitant d’y voir des griffes, & que l’homme, au lieu d’être un Pere, fût un Mari. En vérité, Miss Byron, m’a-t-elle dit, il m’étoit impossible de ne me pas mettre à la place de ma Sœur ; & le cas n’étoit pas aussi éloigné que Mylady L… se l’imaginoit. Une fois, j’entendis mon cœur qui se disoit à lui-même : si quelque Mylord L…, pour qui j’eusse autant de goût, s’offroit à moi avec la même honnêteté, je n’attendrois pas toutes ces persécutions. Au premier clair de Lune, s’il me pressoit de bonne foi, & si j’étois sûre de trouver un Ministre prêt, je serois bien-tôt sous une autre protection, quelque mépris que j’aie toujours eu pour les filles qui prennent la fuite avec un homme. Miss Byron m’auroit-elle condamnée ?

Miss Grandisson, ai-je répondu, oublie quelle Mere elle avoit reçue du Ciel, & les exemples dont elle lui avoit l’obligation. Le Public qui auroit porté son jugement de l’action de la Fille, auroit ignoré le cruel traitement du Pere. Vous êtes fort aise, en un mot, de n’avoir pas été mise à l’épreuve,