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du Chev. Grandisson.

pieds. C’étoit sincerement que je la remerciois ; son observation m’a servi réellement. Mais vous jugez bien, ma chere Lucie, que je devois être un peu agitée. La maniere dont il m’avoit quittée… N’y trouvez-vous pas quelque chose de singulier ? Se retirer si brusquement, en quelque sorte ! Et ne m’avoir rien dit qui n’ait été accompagné de regards si tendres ; de regards, qui sembloient exprimer beaucoup plus que ses paroles ! Et s’être retiré sans m’offrir de me reconduire, après m’avoir amenée ! comme si… je ne sais pas comme quoi ; mais vous me donnerez votre opinion sur toutes ces circonstances. Ce que je ne puis dire, c’est que je crois mes incertitudes finies, & que ma situation n’en est pas plus désirable. Cependant… Mais pourquoi cette confusion d’idées ? Ce qui doit arriver, n’est-il pas déterminé par l’ordre du Ciel ?

Dans l’après-midi, Sir Charles & le Docteur n’étant pas revenus, j’ai fait à Mylord & aux Dames un récit abrégé de ce qui s’étoit passé entre leur Frere & moi, sans m’embarrasser qu’Émilie fût présente. À peine avois-je fini, & lorsque je me disposois à remonter, les deux Amis sont entrés. Sir Charles s’est adressé d’abord à moi, par de nouvelles excuses de la peine qu’il m’avoit causée. À chaque mot qu’il prononçoit, son émotion étoit visible. Il hésitoit. Il trembloit. Pourquoi hésiter, ma chere, & pourquoi trembler ?