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Histoire

légère connoissance de l’événement qui paroît piquer la curiosité de Charlotte.

Je passe à celui qui cause mes plus vives inquiétudes, & qui excitant toute ma compassion, quoique mon honneur n’y soit point engagé, me tourmente réellement jusqu’au fond de l’ame.

Je me suis trouvée mal, ma chere Lucie. Je me suis crue prête à m’évanouir. La crainte qu’il ne prît cette altération autrement que je ne l’aurois souhaité, car je ne crois pas qu’elle vînt de-là, n’a servi qu’à l’augmenter. Quand j’aurois été seule, le même accident me seroit arrivé. Je suis sûre qu’il ne venoit pas de-là. Mais il ne pouvoit arriver plus mal-à-propos, me direz-vous.

Il m’a pris la main, avec tout l’empressement du plus tendre intérêt. Il a sonné. Miss Émilie est accourue. Chere Miss ! lui ai-je dit en penchant la tête sur elle… Pardon, Monsieur…, & me levant, j’ai marché jusqu’à la porte. À peine ai-je pris l’air, que sentant revenir mes forces, je me suis tournée vers lui, qui m’avoit suivie pas-à-pas. Je suis déja mieux, Monsieur, lui ai-je dit ; je vous rejoins à l’instant, pour entendre la suite de votre intéressante narration. En effet, je m’étois trouvée bien, au moment que j’étois sortie de la Bibliothéque. Le feu y étoit trop ardent, ou peut-être en étois-je trop près. C’étoit cela, n’en doutez pas, Lucie ; & je l’ai dit à mon retour, après avoir bu un verre d’eau fraîche.