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Histoire

fort bien senti que cette diversion la regardoit. Elle lui a fait des excuses. Il a continué, sans y faire attention ; l’esprit, Mylord, est une arme dangereuse ; mais convenez que celui qui ne peut briller qu’aux dépens d’autrui, n’a pas une espece d’esprit dont on doive tirer vanité. La Demoiselle qui est vis-à-vis de moi, comment se nomme-t-elle ? & moi qui suis proche de vous, nous sommes tombés dans une singuliere méprise. Je l’ai prise pour ma Sœur Charlotte ; elle m’a pris pour notre Cousin Everard. Tout le monde a senti la sévérité de ce discours. Pour moi, il m’a pénétrée, comme s’il eût été adressé à moi-même. Un langage si dur dans la bouche de Sir Charles, & prononcé d’un air si glaçant ! Je n’aurois pas voulu, dans ce moment, être Miss Grandisson pour le monde entier. Elle ne savoit de quel côté jetter les yeux. Mylady L… a paru vivement touchée pour sa Sœur : l’aimable femme ! Elles avoient toutes deux les larmes aux yeux.

À la fin, Miss Charlotte s’est levée : je veux, Monsieur, a-t-elle dit à son Frere, ôter de vos yeux la cause de l’erreur. Lorsque je pourrai rectifier ma méprise, & vous ramener votre Sœur, j’espère que vous la recevrez avec votre indulgence ordinaire.

Sir Ch. (Se hâtant de saisir sa main). Ma Charlotte ! Chere Sœur ! Point de ressentiment contre moi. J’aime votre esprit ; mais lorsque je vous demandois de l’attention