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Histoire

Je m’imaginai que la plus mauvaise femme ne pouvoit être une mauvaise Mere ; & la bonté de M. Jervins ne le faisoit parler d’elle qu’avec beaucoup de ménagement. Mais elle ne sauva pas long-temps les apparences. Tout le Comptoir Anglois de Livourne fut témoin de ses excès. Elle étoit livrée particulierement à celui qui laisse une femme sans défense, & qui entraîne tous les vices en faisant disparoître une grace qui est non-seulement la gloire, mais comme la sauve-garde de son sexe. On m’assure qu’elle est aujourd’hui moins sujette à l’ivresse. Je serois charmé de lui voir donner la moindre espérance de réformation. L’effet de cette odieuse habitude fut de la rendre insensible à la honte ; elle se déshonnora ouvertement par les débauches les plus emportées.

Il n’y avoit que l’intérêt d’un Ami & la justice que je dois à son caractere, qui pussent m’engager dans cette fâcheuse explication. Pardonnez, mon Émilie. Mais ne prendrai-je pas la défense de votre Pere ? Je n’ai pas dit tout ce que je sais de sa femme. Cependant elle a la hardiesse d’écrire « que ses fautes ont été barbarement exagérées, dans la vue de justifier le mauvais traitement qu’elle a reçu d’un Mari, » qui n’étoit pas, dit-elle, sans reproches. Le mauvais traitement d’un Mari ! L’effrontée ! D’où lui vient cette audace ? Elle savoit que je lirois sa Lettre. Elle sait que j’ai sous ma