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du Chev. Grandisson.

comme vous y êtes obligée, si vous avez pour moi la moitié de la tendresse que j’ai pour vous, puis-je douter que vous n’y soyez disposée ? Je ne le puis. L’impatience que j’ai de vous voir est extrême. Il me tarde de vous serrer dans mes bras ; & j’ai promis au Major Ohara que vous ne ferez pas difficulté de le nommer votre Pere. C’est un homme d’une des meilleures Maisons d’Irlande, un brave & digne Officier, qui est capable de soutenir les droits d’une femme injuriée, s’il y est forcé ; mais qui souhaite de terminer par des voies paisibles.

On me parle avantageusement de vos progrès, Émilie ; & j’apprends que vous êtes fort bien partagée du côté de la taille & de la figure. Ô chere Émilie ! n’est-il pas bien douloureux pour moi que ces lumieres me viennent de la bouche d’autrui, & qu’il ne me soit pas permis de vous voir, d’admirer les perfections de ma Fille, qui doivent répandre tant de joie dans mon cœur, & qui produiront surement cet effet, malgré les indignes traitemens qu’on ne m’a point épargnés ? Mais vous, Émilie ! méprisez-vous celle qui vous a portée dans son sein ? Il est bien terrible qu’avec une fortune telle que votre Pere l’a laissée, je sois réduite à la pauvreté & à la dépendance, & qu’ensuite on en prenne droit de me mépriser. Ma fille ! ma chere fille ! si vous êtes du nombre de ceux qui méprisent votre Mere, si vous êtes élevée dans ces cruelles maximes, quel sera