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Histoire

suis à Colnebroke ; ce sont ses expressions, qu’il a civilement accompagnées d’une profonde inclination vers moi. Je me suis figuré qu’elles avoient été suivies d’un soupir & d’un regard tendre. Mais je n’ai pas eu la hardiesse de demander à Miss Grandisson, si elle avoit apperçu quelque chose de particulier dans les complimens qu’il m’a faits. Je m’imagine que c’est sa politesse, qui ne lui a pas permis de m’adresser directement ses excuses, parce qu’il n’a pas voulu faire supposer que j’eusse attendu son retour. Je n’ai pas été fachée non plus qu’il ne m’ait pas nommée sa troisieme Sœur. Voyez, Lucie, comment le doute fait péser sur les moindres circonstances.

Au fond, je n’étois pas contente que son absence durât si long-tems ; & dans les réflexions que je faisois là-dessus, je me suis sentie portée une fois à retourner à Londres : & peut-être m’y serois-je déterminée, si je m’étois crue assez importante pour lui causer un peu de chagrin par mon départ. Femmes ! femmes ! s’écriera ici mon Oncle : je ne me vante point d’être supérieure à tous les petits foibles de mon sexe. Mais aussi-tôt que je l’ai vu, tous mes dégoûts se sont dissipés. Après l’affaire d’Anderson, celle de Danby & celle de Mylord W…, il a paru dans un jour plus brillant à mes yeux, qu’un Héros couvert de lauriers, qui retourneroit dans son Char de triomphe, avec une foule de princes captifs à sa suite. Combien le carac-