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Histoire

disson. Je n’ai qu’une crainte…

Eh, quelle crainte ?

Que l’amitié de mon Tuteur ne diminue pour moi, lorsqu’il sera marié.

Craignez-vous que sa femme ne s’efforce de resserrer un cœur aussi vaste que le sien ?

Non, si cette femme étoit vous. Mais Mademoiselle, [en baissant les yeux] excusez ma folie ! Il ne me prendroit plus la main avec autant de bonté qu’il fait à présent. Ses regards n’auroient plus cette tendresse, que je dois à la pitié qu’il a de ma situation. Il ne m’appelleroit plus son Émilie. Il n’exigeroit plus, de tout le monde, les mêmes égards pour sa Pupille.

Ma chere, vous n’êtes plus un enfant. S’il demeure quelque tems sans se marier, comptez que toute l’affection que vous avez vue jusqu’à présent pour vous sur ses levres, se retirera bientôt au fond de son cœur. Vous devez attendre ce changement de sa prudence. Et vous-même, ma chere, vous lui en donnerez l’exemple ; vous serez plus réservée, à l’extérieur, que vous ne l’avez été dans un autre âge.

Ah ! Mademoiselle ! que me dites-vous ? Quand j’aurois vingt ans, je mourrois de chagrin, s’il cessoit de me traiter avec la même tendresse. Si je lui donne sujet de me croire indiscrette, téméraire, importune, je consens alors qu’il m’appelle l’Émilie de tout autre, & qu’il me renonce pour la sienne.