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Histoire

Byron, toute jeune que je suis, je sais bien que l’estime n’est pas de l’amour.

Eh bien, je veux être sincere avec mon Émilie ; mais à condition que personne ne saura jamais que je vous fais une confidence de cette nature. Je préférerois votre Tuteur, ma chere, à un Roi, dans toute sa gloire.

Et je le préférerois aussi, Mademoiselle, si j’étois Miss Byron. Je voudrois vous ressembler en tout.

Aimable innocence ! Mais dites-moi, Miss Jervins, voudriez-vous que je n’eusse pas ces sentimens pour votre Tuteur ? Vous savez qu’il est le mien aussi, & qu’il m’en a tenu lieu dans la plus importante occasion qui pût jamais arriver pour moi.

Le vouloir ! Souhaiter que Miss Byron fût une ingrate ? Non, non. (Un soupir suivit encore.)

Pourquoi donc mon Émilie soupire-t-elle ? Elle m’avoit promis de la franchise.

Je vous le promets encore. Mais, dans la vérité, j’ignore moi-même pourquoi je soupire. Je souhaiterois que mon Tuteur fût le plus heureux des hommes : je voudrois, Mademoiselle, que vous fussiez la plus heureuse de toutes les femmes : & c’est ce que vous ne pouvez être tous deux que l’un dans l’autre. Il me semble néanmoins qu’il y a quelqu’obstacle, qui s’oppose à votre bonheur mutuel ; & je m’imagine que ma peine vient de là. Je ne suis pas sûre néanmoins qu’elle en vienne uniquement. Non,