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du Chev. Grandisson.

Il est vrai, ma chere, que je m’en suis quelquefois apperçue moi-même. C’est une habitude, comme vous dites ; & je ne voudrois pas vous y voir tomber.

Mais, Mademoiselle, j’ai des raisons de soupirer que vous ne sauriez avoir. J’ai une Mere… Hélas, une Mere à qui je dois moins souhaiter de la bonté pour moi, que pour elle-même ; une Mere si malheureuse, que je me vois obligée de la fuir ! Mon Pere, dont tout le monde a connu la bonté, en est mort de chagrin. Ah ! Mademoiselle, (en jettant ses bras autour de moi, & cachant sa tête dans mon sein,) n’ai-je pas sujet de soupirer ?

Je versai quelques larmes sur son cou. Je ne pus les retenir ; une douleur si juste & si tendre ! Qui n’en auroit point été touché ?

Et ce qui se passa hier ici, reprit-elle en levant la tête. Pauvre femme ! Elle n’en a pas remporté beaucoup de fruit. Croyez-vous que cette seule aventure ne suffise pas pour me faire soupirer ?

Charmant naturel ! (en lui baisant les deux joues.) Je vous aimerai trop, Émilie.

Vous avez trop de bonté pour moi, Mademoiselle. Ne la poussez pas si loin. Vous voyez qu’elle me fait encore soupirer. Celle de mon Tuteur me fait soupirer aussi. Je crois réellement que mes soupirs sont plus fréquens que jamais, depuis qu’ayant quitté Madame Lane, je connois mieux sa bonté, je vois de plus près l’admiration que