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du Chev. Grandisson.

voit eu plus à se louer de la conduite & du respect de ses Filles. Il le disoit lui-même ; il en faisoit gloire dans leur absence. Mais, devant elles, il ne cessoit de se plaindre & de gronder. Il avoit toujours quelque reproche à leur faire.

Ce qui les surprit & les affligea beaucoup, ce fut de se voir interdire tout commerce avec leur Frere, qui étoit alors dans le cours de ses voyages. La défense portoit de ne pas lui écrire & de ne pas répondre à ses Lettres ; mais leur Frere ayant cessé depuis le même tems de leur donner de ses nouvelles, elles jugerent qu’on lui avoit imposé les mêmes loix ; & la suite des événemens confirma leurs soupçons. Cette conduite ne pouvoit être expliquée que par la crainte, où leur Pere étoit que l’oubli de lui-même, dans lequel il paroissoit vivre, ne fît le sujet de leurs Lettres ; d’autant plus que son bien souffroit beaucoup de ses profusions. Les deux Sœurs n’en continuerent pas moins d’écrire ; sur quoi Miss Grandisson, qui me faisoit ce récit, m’a déclaré avec sa vivacité ordinaire, qu’elle n’avoit jamais été capable de se soumettre à des ordres, qui blessent également la raison & la nature. Elle m’a demandé quelles étoient là-dessus mes idées ; & la Comtesse m’a priée aussi de lui en dire mon sentiment.

J’appréhende, leur ai-je répondu, la partialité des Enfans sur un point si délicat. S’ils se font leurs propres Juges sur la nature