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Histoire

est flatté de l’opinion que j’ai donnée de moi à Miss Grandisson. Cependant quel est ici mon mérite ? À ne consulter que la prudence, j’aurois eu tort de céder. De quel usage m’auroient été les lumieres que j’aurois obtenues par une si mauvaise voie ? Si j’avois appris quelque chose dont j’eusse été vivement affectée, ma haine pour l’artifice m’auroit infailliblement trahie. Le Docteur, ou Sir Charles, auroit pu découvrir ma faute. Aurois-je eu la bassesse d’accuser Miss Grandisson pour me justifier ? Je me serois couverte d’une tache honteuse ; & M. Barlet, qui m’accorde aujourd’hui sa confiance, supprimeroit peut-être toutes les communications que j’espere de lui. Ainsi, ma chere, la politique devoit me soutenir comme la droiture ; & je conclus que dans cette occasion je suis une heureuse fille.

Miss Grandisson vient de raconter, à sa Sœur, tout ce qui s’est passé entre nous. Mylady déclare agréablement qu’elle n’auroit pas voulu être Miss Grandisson, en prenant la Lettre ; mais que si quelqu’un la lui avoit présentée toute ouverte, elle doute qu’elle eût été Miss Byron. Là-dessus elle m’a serrée dans ses bras. Elle a répété dix fois que je serois Mylady Grandisson, que j’étois faite pour son Frere & lui pour moi. En doutez-vous ! a dit la chere Charlotte. Quelque tour que prennent les événemens, convenez, chere Lucie, qu’avec cette pré-