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du Chev. Grandisson.

Elle ne m’a pas répondu. Elle a baissé les yeux, & ses mains ont recommencé à tirer les fils de son mouchoir. J’ai appelé son Frere Édouard, & je lui ai demandé s’il connoissoit les inclinations de sa Sœur ? Pourquoi les femmes, mon cher Docteur, rougissent-elles d’avouer une louable affection ? Que trouvent-elles de honteux dans l’amour, lorsqu’il est réglé par l’honneur & la discrétion ?

M. Édouard m’a fait l’histoire des amours de sa Sœur ; tandis que cette aimable fille rougissoit à chaque mot, & tenoit la vue baissée dans un charmant embarras. M. Gard, fils d’un riche Négociant dans le commerce de Turquie, est le jeune homme avec le cœur duquel Miss Danby a fait l’échange du sien. Le Pere de M. Gard, qui demeure dans le voisinage de sa Tante, l’avoit envoyé dans son comptoir d’Asie, sous prétexte de le former aux affaires, mais au fond pour l’éloigner de Miss Danby, avec laquelle il ne vouloit point entendre parler de mariage, sans savoir ce que son Oncle avoit dessein de faire pour elle. Le jeune Amant est revenu depuis peu ; & pour obtenir la liberté de demeurer à Londres, il a promis à son Pere de ne se marier jamais sans son consentement. Cependant M. Édouard assure qu’il aime sa Sœur avec une vive passion, & qu’il a juré de ne prendre jamais d’autre femme.

Je lui ai demandé si le Pere faisoit d’autres