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Histoire

toute sa vie dans le célibat, si vous ne lui rendez pas la liberté de disposer d’elle-même. Cependant elle vous laisse la vôtre, & jamais elle n’a pensé à vous l’ôter. Ayez la justice de convenir qu’il y a dans cette conduite une générosité à laquelle vous n’avez point encore répondu, puisqu’une promesse suppose de l’égalité dans les termes. Voudriez-vous qu’elle fût engagée sans l’être vous-même ? Elle ne s’attribue aucun droit sur vous. Je vous avoue, Monsieur, que dans votre situation, si j’avois été capable d’employer tous mes efforts à tirer une promesse de cette nature, il me resteroit le chagrin de penser que je ne serois pas fort aimé, puisqu’on n’auroit pas cherché à me retenir par la même chaîne. Quoi ? dirois-je ; cette femme m’est-elle donc plus chere que toutes les femmes du monde ? Quoi ? tandis que je cherche à me l’attacher par une promesse solemnelle, qui me rendra maître de sa liberté, son estime est si foible pour moi, qu’elle me laisse libre de lui préférer toute autre femme ?

Les deux Amis se regarderent mutuellement, mais sans prononcer un seul mot. Je continuai.

Considérons cette affaire dans son véritable jour. Je vois une personne, qui s’est laissée engager dans un Traité, auquel elle assure que son cœur n’a jamais eu de part. C’est sa faute. Mais ne savons-nous pas quels sont les pieges de l’Amour, pour toutes les femmes qui entrent une fois en corres-