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du Chev. Grandisson.

mes sentimens. Elles n’en ont rien apperçu, m’ont-elles dit, dans ses discours & dans sa conduite. Il ne m’a pas vue si souvent qu’elles. Mylady souhaiteroit qu’il ne se défiât de rien. Elle prétend que les meilleurs & les plus sages des hommes se plaisent à trouver des difficultés ; & tout généreux qu’est leur Frere, il est homme. Cependant on se souvient de lui avoir entendu dire, qu’il ne voudroit pas de la premiere Princesse du monde, s’il n’étoit sûr d’en être aimé. Je m’imagine, ma chere, que les femmes qui aiment, & qui doutent du retour, ont beaucoup à souffrir du partage de leurs sentimens, entre la crainte de dégouter l’objet de leur affection par un amour trop empressé, & celle de le désobliger par un excès de réserve. Ne le pensez-vous pas aussi ?

Les Dames avouent qu’elles souhaitent ardemment de voir leur Frere marié. Elles ne désirent pas moins que ce soit avec moi ; & si j’en dois croire leur flateuse amitié, j’avois tous les suffrages de leur cœur dans le tems même que par d’autres engagemens elles étoient obligées de prendre les intérêts de Mylady Anne. Elles m’ont raconté ce que Sir Charles avoit dit de moi, & dont elles m’avoient fait entrevoir quelque chose en commençant notre conversation.

Lorsqu’il nous eut assurées, m’a dit Miss Grandisson, qu’il n’étoit pas en son pouvoir de répondre à l’estime de Mylady Anne, j’eus la malice de lui faire cette question :